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Entretien avec Catherine Laurent, bibliothécaire jeunesse

 

Parcours et activités professionnelles

Mme Laurent travaillait depuis le début de sa carrière dans la fonction publique territoriale à un niveau de catégorie B. Un fonctionnaire de la fonction publique territoriale peut basculer avec une formation et un stage dans n’importe quel poste de fonctionnaire de sa même catégorie. Ainsi, à 40 ans, C. Laurent est devenue bibliothécaire. Cela fait maintenant six ans qu’elle exerce ce métier et elle a pu remarquer plusieurs choses grâce à son parcours professionnel un peu particulier. Tout d’abord, elle est passée de lectrice à professionnelle des métiers du livre, donc sa préoccupation du lecteur est peut-être plus présente que chez ses collègues qui sont bibliothécaires depuis plus longtemps. Ensuite, elle n’a pas trouvé cette reconversion très difficile et cela lui permet d’avoir un regard différent, vis-à-vis des lecteurs. Pour elle, l’important c’est de lire, donc elle ne porte pas de jugement sur les choix de lecture des personnes.

Sur son lieu de travail, c'est-à-dire la bibliothèque de Fontaine (commune limitrophe de Grenoble), C. Laurent travaille dans le secteur jeunesse. Ses activités sont celles d’une bibliothécaire classique. Une part de ses activités se concentre sur le travail d’acquisition des livres. Elle choisit les livres qu’elle aimerait avoir dans son secteur, récupère leur notice, les exemplarise (c'est-à-dire les rentre dans le catalogue de la bibliothèque) et les classe dans les rayons. Une autre part de ses activité prend place dans le travail d’animation. Elle crée, avec ses collègues, les animations jeunesse et les met en place. Les animations sont essentiellement des rencontres avec les classes ou les crèches. Elle a aussi un travail de mise en valeur des livres en les mettant, par exemple, sur des tables d’exposition. Sa dernière activité est celle de service public, c'est-à-dire s’occuper des prêts, des retours ou encore des inscriptions.

Vision du métier

Mme Laurent trouve son métier valorisant pour plusieurs raisons. Tout d’abord, cela permet de conseiller les utilisateurs, de sélectionner pour eux des livres qui lui ont plu et qu’elle veut partager. Elle peut aussi mener des projets à bien comme les animations. Ce travail à proximité des personnes permet de créer une relation avec les utilisateurs de la bibliothèque. Dans le secteur jeunesse les parents et les enfants la connaissent et la reconnaissent et sont contents du travail effectué. Ainsi, c’est très valorisant de donner du plaisir aux gens et de donner le moyen de lire. De plus, l’ambiance et l’environnement de travail sont très agréables.

Pour décrire son métier C. Laurent utilise des mots forts. D’abord, elle parle de curiosité qui pour elle est la qualité de base de la profession. Elle dit qu’on ne peut pas être bibliothécaire si l’on n’est pas curieux. Ensuite, elle donne l’expression suivante : « aimer les gens ». Pour elle, il ne suffit pas d’aimer lire, il faut apprécier le contact avec le public et venir travailler pour cela, pas pour les livres. Pour finir, elle utilise le terme de tolérance. Une tolérance par rapport aux livres et donc par rapport aux personnes qui les lisent. Juger un livre c’est juger l’ensemble des personnes qui le lisent. Ce ne doit vraiment pas être une des tâches d’un bibliothécaire qui n’a pas un rôle de censeur mais bien un rôle de partage.

L’évolution du métier et de la vision du public

Pour Mme Laurent, le grand chamboulement dans le métier de bibliothécaire, dans ces dernière années, c’est l’arrivée de l’outil Internet. Elle a pu remarquer, depuis le début de l’exercice de ses fonctions, qu’il y avait une grande méfiance vis-à-vis de cet outil de la part des bibliothécaires. Les professionnels ne veulent pas et ne savent pas s’en servir. Ils ne l’utilisent pas pour faire de la veille ou visiter des blogs littéraires pour choisir des livres. De plus , les bibliothèques ont du mal à l’utiliser pour faire venir les lecteurs. C. Laurent nous a donné, comme exemple, le cas d’une bibliothèque. Quand cette bibliothèque a commencé à avoir des postes Internet, les utilisateurs n’avaient pas le droit de consulter leurs mails. C’est étonnant étant donné que cela aurait pu faire venir plus de monde.

Il faut, pour elle, désacraliser ce nouveau support car il peut être très pratique. Il permet de réduire en temps et en charge le travail donc de se concentrer encore plus sur les tâches d’accueil et d’animation qui sont, pour elle, les bases du métier de bibliothécaire. Pour sa part, elle utilise Internet pour l’acquisition des livres, car elle trouve beaucoup plus d’avis de lecteurs que sur les revues professionnelles.

Mme Laurent, n’a pas pu nous parler de l’évolution de l’attitude du public vis-à-vis du métier, car elle considère ne pas avoir assez de recul étant donné sa récente reconversion professionnelle.

Les préjugés sur les métiers

Mme Laurent constate qu’il y a des préjugés de la part du public mais aussi de la part de la hiérarchie qui sont les élus municipaux.

Selon elle, les gens ont peur du jugement des bibliothécaires. Ils n’osent pas venir les voir pour leur demander conseil car ils pensent qu’ils vont porter un jugement sur leurs choix, leurs lectures. Et nous ne pouvons pas nier que c’est souvent le cas.

Ils ont aussi l’image d’un lieu poussiéreux, « intello » où il ne faut pas faire de bruit, ne pas toucher, ne pas déranger et rester dans les cadres. Mme Laurent ne pense pas ça et dit « une bibliothèque est un lieu de vie, pas une cathédrale ! ».

Les jeunes ont aussi beaucoup de préjugés. Elle prend pour exemple une classe de troisième qui était venue à la bibliothèque de St Bruno à Grenoble. Les bibliothécaires avaient présenté les documents présents à la bibliothèque et donc les Dvd. Un jeune avait demandé si c’étaient des DVD de vrais films qui sortaient au cinéma avec beaucoup d’étonnement.

Pour les élus le métier de bibliothécaire est un métier tranquille où l’on ne fait pas grand-chose. Pour eux, et pour beaucoup de personnes, quand la bibliothèque est fermée, les bibliothécaires ne travaillent pas, ce qui est entièrement faux. Donc les élus reclassent les personnes qui ont du mal à s’intégrer dans le milieu professionnel dans les bibliothèques car ainsi ils ne feront « pas grand-chose » et ce sera un travail « cool ».

De plus, il ya ce vieux préjugé qui reste ancré dans notre société qui est de dire que le travail entraîne de la souffrance, du labeur. Les bibliothécaires peuvent prendre beaucoup de plaisir dans leur métier donc il n’y a pas de reconnaissance de leur travail.

Pour terminer, Mme Laurent, a commenté les termes le plus souvent utilisés par les lycéens selon notre enquête pour décrire son métier.

Pour elle le terme « calme » est relatif car même si on ne doit pas hurler dans une bibliothèque, c’est bien un lieu vivant qui doit être accueillant.

Elle est plus en accord avec le terme « culture » mais bien au sens le plus large du terme. Que cela passe de la culture dite «intellectuelle» à la culture dite « populaire ».

Pour le terme « organisé », elle est d’accord mais elle dit qu’il ne faut pas que la bibliothèque soit organisée pour les professionnels mais bien pour le public. Il doit pouvoir trouver ce qu’il cherche sans connaître la classification Dewey par cœur.

Le dernier terme employé par les lycéens était « livre ». Catherine Laurent approuve car il y a bien des livres dans les bibliothèques mais pas que ! Et le livre, selon elle, ne disparapîtra pas car c’est un objet. Son contenu pourra se mettre sur de nouveaux supports sans qu’il disparaisse. Donc il ne faut pas se battre contre les nouvelles technologies mais les intégrer au travail et s’en servir à bon escient.

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